Octagon for Saint-Eloi (Richard Serra)
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Le sculpteur américain Richard Serra, dont de nombreuses œuvres sont installées dans l’espace public, a été confronté à Chagny, petit village de Bourgogne, à une contestation de grande ampleur tout au long de la réalisation du projet. Voulue par le ministère de la Culture et le maire de Chagny, Octagon for Saint-Eloi est, aujourd’hui encore, une œuvre mal-aimée par une partie de la population. Pourtant, plus que la simple transformation d’un parking, l’installation de cette sculpture, singulière dans la carrière de l’artiste, est un geste fort qui fait de Chagny, où siège également la galerie Pietro Sparta, un haut lieu de la création contemporaine.
Octagon for Saint-Eloi trône depuis juillet 1991 au milieu de la place centrale du village, face à l’église Saint-Nicolas, connue notamment pour son clocher roman célébré par Victor Hugo. L’artiste conçoit un monument plein et massif, de près de 57 tonnes, en acier Indaten (1). Cette œuvre ne représente rien, ne fait référence à aucun épisode biblique et ne nécessite pas de connaissances iconographiques particulières ; elle est, simplement, à expérimenter physiquement. Elle forme un octogone – occurrence unique dans la production de l’artiste –, un polygone à huit angles et huit côtés qui est comme un tronçon de colonne sectionnée. Sa forme, symbole de la résurrection dans la liturgie chrétienne, rappelle celle des baptistères médiévaux. Disposée à treize mètres du portail de l’église romane, dans l’axe de la nef, c’est-à-dire symétriquement à l’emplacement de l’autel, elle entretient un dialogue privilégié avec l’architecture cistercienne. Sa hauteur, de près de deux mètres, est déterminée par celle des portes latérales du lieu de culte, et subtilement, ses formes pures font écho à l’austérité de son architecture. À peine plus haute qu’un homme, la sculpture est suffisamment lourde et imposante pour impressionner, mais elle reste accessible à l’échelle du corps humain, qui peut l’appréhender physiquement, sans se sentir opprimé par son aspect monumental.
Ce monument de métal conditionne la reconfiguration de l’ensemble du lieu, en déplace le centre et réorganise les circulations autour de lui. Richard Serra est en effet un sculpteur de l’espace : il pense la spécificité du site comme point de départ de son travail et donne naissance à une œuvre qui prend en compte la mesure des hommes, des architectures et de l’espace. Chacune des huit facettes de ce massif d’acier résonne avec les façades de la place, et sa couleur rouille, acquise avec le temps et voulue par l’artiste, fait écho aux briques des toitures. C’est aussi la mesure du temps que pointe cette œuvre. Le temps qui fait se corroder le métal, et le passage du temps, surtout, révélé par l’ombre de la sculpture, qui s’étend au milieu de la place à mesure que défilent les heures de la journée, tel un cadran solaire.
En parallèle de l’hommage à saint Éloi, évêque de Noyon, patron des forgerons, des orfèvres et des maréchaux-ferrants, Richard Serra salue aussi le savoir-faire exceptionnel des aciéries de la région, héritières d’une riche histoire industrielle, et avec lesquelles il a travaillé en étroite collaboration. La surface rugueuse de l’œuvre forgée par Creusot-Loire Industrie, ses fines arêtes et ses grands aplats permettent un dialogue solennel, presque sacré, avec la lumière qui s’y reflète. Grâce à cette œuvre empreinte de recueillement, Richard Serra permet aux passants d’appréhender différemment le site et son architecture. Il introduit, dans un rapport familier à ce lieu, un angle de perception nouveau : celui de l’expérimentation et de la compréhension de l’espace par le corps.
<small>Coline Davenne, étudiante en Master 2 Recherche à l'École du Louvre (Paris), mai 2016</small>
1-Ou acier Corten.<br />2-Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Éditions Robert Laffont et Éditions Jupiter, 1982, p. 685.<br />3-Un reportage photographique de Jacques Hoepffner documente cette collaboration : Sans titre, 1991, série de 24 photographies, collection du Centre national des arts plastiques, FNAC 91426 (1 à 24).</small>
Coline Davenne, juillet 2016<small><br />Bibliographie<br />Robert Fleck, État des lieux : commandes publiques en France, 1990-1996, Paris, Centre national des arts plastiques et Éditions du Regard, 1996.<br />Serge Lemoine et Richard Serra, Richard Serra : Octagon for Saint-Eloi, Chagny, 1991, Paris, Centre national des arts plastiques, 1991.<br />Alfred Pacquement, Richard Serra, Paris, Éditions du centre Pompidou, 1993.</small>
Œuvre
Titre | Octagon for Saint-Eloi |
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Date | 1991 |
Nature | pérenne |
Programme | Commande publique |
Numéro d'inventaire | FNAC 04-480 |
Période | art contemporain |
Matériau | acier |
Précision sur les matériaux | acier indaten |
Mots clés | Commande publique |
Propriétaire | Collection du Centre national des arts plastiques (France) |
Site
Lieu | Place de l'église Saint-Martin |
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Ville | Chagny |
Département | Saône-et-Loire |
Région | Bourgogne |
Pays | France |
PMR | je ne sais pas |
Latitude/Longitude | 45° 39′ 36″ N 4° 33′ 36″ E |
Artiste
Centre national des arts plastiques (Cnap), http://www.cnap.fr/commande-publique-nationale-et-deconcentree-depuis-1983